Il est sept heures, le réveil sonne. Ce matin, nous partons à l’aventure!
Nous devons partir le plus léger possible car nous ne savons pas quelle route nous attend jusqu’à Lamalera…
Il faut donc refaire nos sacs à dos, de manière à pouvoir en laisser un à l’hôtel et prendre l’autre sur la moto.
Nous faisons également le choix de prendre nos matelas gonflables et nos sacs à viande puisque nous ne savons pas dans quelle condition nous allons dormir.
Nous descendons à la réception où une mauvaise nouvelle (prévisible) nous attend: pas de moto!
Tibo et Oriane partent à la recherche d’un loueur avec la réceptionniste pendant que moi je me lamente devant le petit dej: du riz blanc (avec des chips de crevettes)…😭😭😭 et ce n’est que le début du séjour, ca ne devrait pas s’améliorer les prochains jours!
Tibo et Oriane reviennent sans moto mais avec une bonne nouvelle:certes, le loueur de moto refuse de nous louer ses moto (enfin il veut nous les louer très très chers afin que l’on refuse, c’est la manière indonésienne de nous faire comprendre qu’il ne veut pas les louer) mais….la colloc d’Oriane a une copine à Sumba qui a une copine à Lembata qui travaille avec une fille qui connait des gens…qui veulent bien louer leur moto! #dansedelajoie
Du coup, moins d’une heure plus tard nous rencontrons Ova (ou un nom similaire), étudiante en médecine fraîchement diplômée et en service civique à Lembata. En effet, chaque étudiant en médecine doit dédier une année de travail au gouvernement, en général dans une zone reculée avant de pouvoir pratiquer où bon lui semble.
Ova s’est déplacée jusqu’à notre hôtel pendant son jour de congé pour nous présenter sa collègue radiologue qui nous a dégoté deux petits messieurs prêts à nous louer leur moto pour 5 jours…c’est aussi ça la beauté de l’Indonésie.
À 9 heures, nous sommes en selles, à peine en retard sur notre programme.
Notre enthousiame va vite disparaître au bout de quelques kilomètres. La route asphaltée disparait pour laisser place à un chemin défoncé et poussiéreux.
Au début, on se dit que ce n’est que passagé mais malheureusement ce n’est clairement pas le cas…
Nous nous arrêtons en bord de route pour essayer de nous renseigner sur l’état de la route mais tous sont unanimes: la route est défoncée sur les 20 prochains kilomètres.
Je sais que si nous empruntons cette route, je risque de me coincer le dos et d’en payer les conséquences pendant plusieurs semaines…nous laissons les filles partir devant pendant que nous pesons le pour et le contre, sans savoir si nous allons les rejoindre ou non.

Lembata est si loin de Jakarta que l’on sait pertinemment qu’il n’y aura pas d’autre occasion de nous rendre à Lamarela. Etre venus jusqu’ ici et faire demi-tour, quelle frustration…alors tant pis, c’est le moment d’être inconscients! Nous irons à Lamalera!
Comme prévu, la route est désastreuse et la conduite éprouvante. Nous sommes obligés de faire de nombreuses pauses pour tenir.
Assez rapidement, le réseau internet disparaît. Impossible de contacter les filles pour savoir si la route s’améliore ou non…on sert les dents mais nous avançons à la vitesse d’un escargot.
Google map annonçait 40mn pour rejoindre Lamalera. Nous mettrons plus de 4 heures! L’étape ultime consiste en la montée puis descente du volcan Labalekeng. La route s’améliore en haut du volcan, laissant place à un panorama grandiose sur la baie. La descente est longue et fastidieuse malgré un semblant d’asphalte.
C’est complètement vidés que nous arrivons à Lamalera, petit village coincé entre flanc de volcan et mer.
Nous répèrons rapidement les motos des filles et les retrouvons sur la plage.
Peu à peu nous prenons conscience du lieu où nous nous trouvons.
Lamalera est un des derniers lieux au monde où la chasse à la baleine est autorisée tant pour la survie de ses habitants que pour préserver des traditions ancestrales de plus de 400 ans venues du Sulawesi.
Difficile de comprendre ce qui a poussé ce peuple de pêcheurs à s’établir ici
La crique est bordée de rochers où les vagues viennent se briser, nous sommes avertis à l’entrée du village que le risque de tsunami est réel et le volcan toujours actif. Quant aux terres cultivables, elles sont inexistantes…
Impossible de ne pas savoir que toute la vie du village tourne autour de la pêche. C’est d’abord une odeur pestilentielle qui nous prend à la gorge et qui devient de plus en plus insupportable à l’approche de la plage.
Aux odeurs se mêlent bientôt les images…des lambeaux de chairs sèchent au soleil, au dessus du sable.
Toute la crique est bordée de huttes au toit de palme, abritant les bateaux en bois des pêcheurs.
Le sable est jonché des restants de la pêche: vertèbres, entrailles, cartilages et autres matières gélatineuses inconnues.
De-ci,de-là trônent d’anciens trophées, témoins d’une pêche à la baleine bien réelle: crânes, mandibules, vertèbres.
Il est presque 14 heures, les hommes sont déjà rentrés de la pêche et somnolent à l’ombre de leur bateau.
Un autre temps…irréel
Les regards ne sont pas hostiles mais l’accueil habituellement si chaleureux des indonésiens manque à ce lieu…
Encore sous le choc, nous essayons de chercher un endroit où déjeuner et dormir pour les prochaines nuits.
Le tourisme étant plus que limité à Lamalera, il en va de même pour les logements. Nous essayons de trouver Mama Maria, parfois mentionnée sur internet.
Elle nous propose une chambre pour 4, avec 2 matelas d’une place…nous refusons.
Nous essayons ensuite Abel Homestay. La patronne ne nous décroche pas un sourire mais elle a deux chambres disponibles. Les toilettes et la mandi sont sur le palier, la réserve d’eau grouille de larves de moustiques.
Après négociation, elle accepte de nous préparer à manger pour le midi: riz blanc, bouillon de choux blanc et dauphin séché…moi qui suis difficile, je sens que le séjour va être compliqué en terme de nourriture.
Nous installons nos affaires dans les chambres envahies de moustiques et d’odeur de poisson…et là, encore sous le choc, je me demande ce que je fais à cet endroit…
Nous rencontrons Daniel, interprète pour Monsieur Li, un fantastique photographe chinois et son autre copain chinois dont j’ai oublié le nom. Eux aussi logent au même endroit que nous depuis le debut de la semaine. Monsieur Li espère avoir la chance de photographier les baleines…

Nous nous rendons ensuite sur la plage pour assister au coucher du soleil. La lumière est deja tombante, plongeant la crique dans l’ombre.
Nous observons les enfants jouer dans les flaques d’eau et pêcher des coquillages.
Tibo se fait alpaguer par un groupe de pêcheurs aux yeux rougis par l’alcool.
Malgré un premier refus poli, il se retrouve à fumer les cigarettes locales et boire de l’arak avec eux pendant que je tire le portrait à quelques enfants turbulents.
Le capitaine suggère à Tibo de nommer un de nos enfants Lamalera…on y réfléchira à deux fois ou pas!
Nous retournons chez notre logeuse. A défaut de pouvoir manger des fruits(dont nous ne verrons pas l’ombre pendant 4 jours) ou des legumes, elle a des bintangs à vendre!
Nous discutons avec Monsieur Li qui nous montre ses photos. Nous sommes littéralement bluffés, c’est magnifique. Je pense qu’à ce moment précis, Oriane et moi sommes prêtes à jeter nos appareils photos pour en racheter des neufs!!!
Mr Li vient en Indonésie environ une fois par mois depuis de nombreuses années. Il est d’ailleurs missionné par le ministère du tourisme indonésien pour photographier le village de Lamlera.
Arrive l’heure du dîner: un minuscule poisson grillé, du riz blanc et soupe au choux! Mais où est la pizza au feu de bois?! 🤤
Nous sommes apostrophé par le rabateur de Mr Li qui propose de nous organiser un tour sur un bateau de pêche pour le lendemain. Cependant nous préférons nous débrouiller seuls et payer directement les pêcheurs plutôt qu’un rabateur.
Nous nous renseignons autour de nous, il semble que les bateaux partent vers 8h de la plage. Nous irons donc vers 7h30 sur la plage pour chercher un bateau prêt à nous embarquer.
Nous passons une nuit assez mauvaise, réveillés principalement par des effluves de poisson à vomir.
A 6 heures, tout le monde est sur le pont. Je frôle la crise d’angoisse à la vue de l’assiette de riz qui fait office de petit dej.
On est supris de voir les bateaux partir en mer les uns après les autres bien avant 8h. Du coup on s’active pour aller voir les pêcheurs…sauf qu’à notre arrivée, c’est deja trop tard! Le dernier bateau vient de partir en mer.
C’est loupé pour aujourd’hui. On est frustrés de notre manque de prévoyance! On se dit qu’on ne peut passer la journée complète au village, au milieu des odeurs nauséabondes.
Après quelques minutes de flottement, on se laisse absorber par le spectacle des enfants jouant au bord de l’eau. Nous suivons les conseils de Mr Li pour capturer quelques portraits (le problème c’est que contrairement à lui, on a pas les poches remplies de bonbons, du coup notre succès est mitigé)
Un peu trop absorbés par nos appareils photos, on ne passee pas loin de la catastrophe quand une grosse vague emporte tongue, sac à dos et ma nouvelle paire de binocle! Heureusement on met tous les enfants du coin sur le coup pour retrouver les kacamata de la bule!
On rencontre également un vieux pêcheur qui sculpte des bateaux miniatures. Il nous explique qu’il lui faut 3 mois pour reproduire un bateau. Il les vend ensuite une petite ensuite aux rares touristes de passage.
Le moment est propice à la discussion, un second pêcheur s’approche de nous, nous demandant des cigarettes comme souvent en Indonésie. Cette fois nous avons anticipé et apporté un paquet de Kretek avec nous (les cigarettes au clou de girofle), léguées par notre copain Guillaume lors de son départ d’Indonésie. Le vieux pêcheur nous gratifie d’un grand sourire édenté en nous piquant 2 kretek « je vous en prends deux hein, pas problème ? »
Ensuite, on décide d’improviser une ballade sur la côte même si on a pas vraiment envie de devoir utiliser à nouveau la moto…
On s’arrête sur une plage de sable noir, seuls au monde.
C’est aussi l’occasion de faire réparer notre moto qui n’a pas trop aimé le trajet de la veille. On guette désespérément le bord de la route dans l’espoir de trouver des fruits mais ça semble être une denrée rare dans cette région
Nous revenons à temps pour le retour de la pêche.
Traditionnellement, la navigation se faisait uniquement à la rame et à la voile mais progrès technologique oblige, les pelabang (baleinières) sont aujourd’hui équipés de moteurs même si voiles et rames sont toujours utilisées.
Des bateaux plus petit (sapa), sont utilisés pour la pêche au filet; les proies sont souvent des poissons volants.
L’arrivée des bateaux sur la plage est chaotique!
Chaque bateau attend le moment propice pour passer la barrière rocheuse qui les sépare de la plage. À l’arrivée d’une grosse vague, l’équipage se met à pagayer de toute force, un bout est lancé sur la plage et récupéré par les hommes qui tirent de toute leur force pour remonter le bateau sur la plage. Si le bout s’échappe, le bateau peut alors chavirer, retourné par les vagues suivantes, venant se fracasser sur le sable et les rochers.Des rondins de bois sont disposés sur le sable et servent à faire glisser le bateau jusqu’à son abri.
Un des bateaux a pêché un gros poisson mais celui arrive déjà découpé en pièce, difficile d’identifier ce que c’est. Après discussion, il semblerait que ce soit un mola-mola (ou poisson lune).
L’odeur qui se dégage du bateau me donne la nausée, je préfère m’écarter que d’assiter à la répartition très codifiées des morceaux de poissons…
